Les Américains et les Allemands ont annoncé la livraison, dans les prochaines semaines, de chars Abrams et Léopard. Avec ces livraisons d’armes lourdes, les Occidentaux sont-ils entrés dans un engrenage dangereux ?
On est tenté de répondre oui à cette question. La décision de livrer des chars d’attaque allemands – les désormais célèbres Leopard 2 – et américains – les Abrams – ne peut a priori que prolonger le conflit et potentiellement amener Moscou à considérer que les Euro-Américains sont bel et bien entrés dans une action de cobelligérants aux côtés des Ukrainiens et contre les Russes. Du coup, on est tout proche d’une ligne de conflit direct entre l’Occident et la Russie.
En fait, cette accélération et ce changement dans la nature des armes livrées relance un débat en Occident sur la question essentielle : jusqu’où faut-il aider l’Ukraine à se défendre contre l’agression russe ? En rappelant tout de même que c’est bien la Russie qui a décidé contre toutes les règles du droit international, de lancer une offensive contre un pays qui ne lui avait rien fait.
« Ce n’est pas notre guerre »
Il y a schématiquement deux camps qui s’affrontent sur la stratégie à suivre. Ceux qui estiment qu’il faut réfléchir où l’on veut aller avant d’y aller et qui pensent que les Occidentaux sont en train de se faire embarquer peu à peu dans un conflit ouvert avec Moscou en s’alignant sur les demandes du président Zelensky. « Ce n’est pas notre guerre, disent-ils, nous devons aider l’Ukraine, mais raisonnablement ».
Fournir des armes de plus en plus offensives et capables surtout d’intervenir en territoire russe ne peut que déboucher sur cette confrontation directe avec Moscou. Il vaut mieux tout faire pour maintenir un canal de communication avec les Russes, pour que le jour venu, on puisse trouver un terrain de négociations et une solution politique pour sortir du conflit entre l’Ukraine et la Russie.
« Tout faire pour stopper la folie impérialiste »
En face, on trouve les partisans d’une aide sans cesse renforcée à Kiev. Car pour ces pays, ce qui se joue actuellement n’est pas seulement l’agression de la Russie contre l’Ukraine, mais bien plus une guerre de civilisation entre la Russie hyper nationaliste de Vladimir Poutine et le monde des démocraties libérales. Le 24 février 2022, le maître du Kremlin ne s’en est pas simplement pris à l’Ukraine, mais a déclaré la guerre à l’Occident qui ne peut pas, ne doit pas, lui laisser la victoire en Ukraine. Car ensuite, il menacerait l’ensemble du monde démocratique.
Et sans entrer directement en cobelligérance, c’est-à-dire sans envoyer de troupes occidentales au sol aux côtés des soldats ukrainiens, il faut fournir toutes les armes qui lui permettent de résister, voire de reconquérir ses territoires perdus. Bref, il faut tout faire pour stopper la folie impérialiste de Poutine. Et ne pas avoir peur de sa réaction : les fameuses lignes rouges du début du conflit ne sont plus de mise.
Lui veut aller jusqu’au bout, les Occidentaux doivent lui montrer qu’ils vont très sérieusement lui résister. Entre ces deux visions, seul peut-être Vladimir Poutine sait-il laquelle est la plus pertinente.